Les 16 dimensions du Présent.
On dit beaucoup de choses à propos du Présent, et l’une d’entre elles est que le Présent est comme un point sur la ligne du temps, un instant fugace et fuyant. En somme, c’est quelque chose qui n’a aucune épaisseur, donc une dimension 0 géométriquement parlant.
C’est peu stimulant certainement, et « vivre au Présent » est une expression qui évoque plutôt l’équilibriste qui marche sur une corde raide et pour qui il est bien facile de tomber dans le futur (pré-occupations, projections, prévisions,etc..) ou dans le passé (regrets, remords, nostalgies,etc..).
Voici donc une nouvelle présentation du Présent qui veut lui donner plus d’épaisseur et de contenu.
Ici, « vivre au Présent » peut s’interpréter comme s’installer dans le moment présent, en faire son habitat en quelque sorte et y demeurer. Cela demandera cependant une attitude active et sensible, une capacité à vivre centré et une disponibilité vers l’extérieur et les autres.
Quelles sont donc ces seize dimensions du Présent ?
On peut les regrouper en quatre approches générales:
La première sera nommée l’occupation du Présent.
La seconde traitera de la capacité énergétique de la situation au Présent.
La troisième s’occupera de l’intelligence au Présent.
La quatrième approche, enfin, est dédiée à l’aspect autonome du Présent. Voyons tout cela en détail…
Premier groupe : l’occupation du Présent.
- Le premier pas pourrait se nommer l’émergence au Présent.
Nous avons tellement l’habitude de vivre décentrés, un pied dans le futur et un pied dans le passé, que si nous nous disons soudain à nous-même « maintenant, je vais me rendre présent au Présent !», cela suppose en général un effort comparable à se réveiller au milieu d’une rêverie. Une des conséquences habituelles de ce réveil est le constat que notre corps est tendu et dans une mauvaise posture, les épaules crispées et la respiration peu profonde. Bref, être présent au Présent suppose déjà un réajustement de notre relation à notre propre corps. C’est bien un lieu qu’il nous faut conquérir. Cela ne coule pas de source. Exister n’implique pas automatiquement « vivre au Présent ».
- Le pas suivant est l’attention au Présent.
Après avoir émergé au Présent, il est important de s’y maintenir et la force nécessaire nous est fournie par l’attention. C’est une énergie que l’on peut reconnaître facilement en nous et mettre en pratique à volonté. On peut exprimer cela en disant qu’ « être au Présent » suppose une présence active. C’est une force qu’il nous faut mobiliser et maintenir dans le temps. C’est réellement un apprentissage qui nous fait défaut en général. Nous savons répondre de manière plus ou moins automatique aux stimulations extérieures, mais il nous coûte de générer cette énergie de présence par nous-même. Mais comment faire pour faciliter le processus ?
- La solution nous la trouverons dans une sensibilité particulière : celle de la pression de l’extérieur.
L’extérieur agit sur nous avec une certaine force également. La situation au Présent implique des parfums, des rires, mais aussi des tensions et des désagréments. En général, nous fuyons dans nos rêveries et nous nous plaignons plus ou moins consciemment. C’est-à-dire que nous essayons d’une façon ou d’une autre d’échapper à cette pression.
C’est une erreur. Car elle est l’occasion d’augmenter cette « présence au Présent » que nous recherchons. C’est en étant à la fois attentif (force vers l’extérieur) et sensible à la pression de l’extérieur (force vers l’intérieur) que nous pouvons avancer.
- La 4ème étape suppose donc la découverte que le Présent est un lieu où l’on peut s’installer définitivement.
Il est possible de trouver un équilibre dynamique entre ces deux forces que nous venons de présenter : l’attention et la pression de l’extérieur (cette pression peut être perçue également comme une sorte de résistance produite par l’extérieur sur nous).
Cet équilibre délicat à trouver se localise à la frontière de notre intérieur et de notre extérieur : physiquement, c’est la membrane corporelle, cette surface qui nous délimite et qui est le lieu du contact entre « nous » et ce qui est notre « environnement ».
La conclusion à laquelle nous arrivons est paradoxale. S’installer dans le présent, ce n’est pas s’établir entre le passé et le futur, mais bien entre l’intérieur et l’extérieur. Cette simple sensation de contact éveillé avec l’extérieur peut se développer petit à petit, jour après jour, et produire un vrai sentiment de paix et de bien-être permanent.
Occuper le présent est donc faisable, cela demande de l’attention et un minimum de sensibilité. Et bien sûr, un minimum d’envie…..Ce qui n’est pas si évident, notre culture tendant à nous sortir de nous-même continuellement et à nous « disperser » dans l’environnement.
Deuxième groupe : l’énergie du Présent.
- En maintenant cette attention à une opposition fine intérieur/extérieur, une sensation d’énergie et de motivation quotidienne se développe, de façon non-verbale. C’est la cinquième étape du processus que nous décrivons : elle permet l’émergence d’une attitude ‘psychosomatique’ nouvelle, basée sur la mobilisation énergétique de notre corps. Notre colonne vertébrale se redresse, nos épaules et notre ventre se relâchent, nous apprenons à avoir une posture physique plus adéquate.
Il est important d’accepter qu’au début, nous aurons affaire à des sensations intérieures fines, presqu’irréelles. Ce n’est qu’après plusieurs jours d’effort que cette nouvelle présence à un présent plus dynamique va affleurer.
- Une des conséquences est la possibilité d’augmenter notre capacité d’intervention à bon escient, d’être moins réactif et plus posé. Nous pouvons également être plus conscients de notre respiration.
Bref, la conscience de notre surface de contact avec l’extérieur entraîne une attitude plus verticale qui permet elle-même une accumulation du potentiel d’action. En conséquence, ce potentiel peut être canalisé de façon plus consciente et plus
Cette attitude de mobilisation de soi est celle des humains depuis des centaines de milliers d’années, surtout dans les cultures premières qui vivaient dans la forêt. La civilisation et la sédentarisation, sans parler du monde moderne actuel tant virtualisé, ont réduit peu à peu notre capacité d’être alerte et à l’écoute de notre
- Dans le même temps, nous acceptons mieux le potentiel des autres et nous sommes plus attentifs à leur capacité d’intervention. Nous les recevons avec positivité, nous les accueillons dans notre champ de En nous offrant un temps d’observation de quelques secondes, nous agissons avec plus de discernement.
- Le présent se manifeste donc à nous comme un réseau d’acteurs, une configuration qui change à chaque moment, fluctuante, mais dans laquelle nous restons centrés sur notre espace frontière entre l’intérieur et l’extérieur. Le mot-clé est ‘disponibilité aux autres’.
Au début, il est certainement difficile de se maintenir concentré et de percevoir les potentiels d’intervention des uns et des autres, y compris le nôtre, avec une légère distance psychologique. Mais, petit à petit, nous pourrons le faire de mieux en mieux et surtout avec beaucoup de naturel et de paix intérieure. Attention à ne pas tomber dans une attitude rigide ou robotique, bien sûr ! Une grande aide nous viendra de la conscience que nous porterons à notre respiration. Si nous associons la perception de notre frontière intérieure/extérieure avec la pratique d’une respiration verticale (inspirer vers le haut, expirer vers le ventre), s’installer dans le présent devient un grand plaisir.
Troisième groupe : l’intelligence du Présent.
- Le Présent est également le moment des décisions et des choix. Avoir des intentions adéquates implique d’augmenter notre capacité intuitive . Disons de l’intuition qu’elle est cette capacité mentale qui permet une compréhension complète et sensible d’une situation. C’est une forme supérieure de l’intelligence.
L’introduction d’un « mantra » incitatif est, dans ce cas, une bonne chose. C’est une pratique associée à l’Orient et à ses spiritualités, mais en fait, c’est une technique universelle pour stimuler la sagesse de notre subconscient créatif.
Pratiquer l’intuition pour résoudre des problèmes ou prendre des décisions n’a rien de surprenant. On le fait généralement de façon semi-consciente. Ce que l’on propose ici, c’est de créer cette habitude intérieure particulière de nous demander à nous-mêmes une intuition. Et cela ne peut se faire qu’au Présent. Même si nous avons l’impression de ne pas obtenir d’intuitions rapides et efficaces dans un premier temps, cela nous permettra d’ajouter une relation consciente à notre propre intelligence et donc de la stimuler.
- Cette intelligence, nous l’avons constituée au cours de notre vie. Elle est faite d’expériences diverses et de sagesse. Mais, elle est, en plus, le résultat d’une lignée évolutive qui est en nous : notre culture, nos ancêtres, notre humanité. Vivre au présent de façon intense, c’est se rendre compte que nous sommes le front d’un flux évolutif personnel qui plonge dans un lointain passé.
Notre culture occidentale donne tant d’importance à l’individu que nous errons, déconnectés de notre passé profond. Notre accès au Présent est donc souvent douloureux : impression de solitude, de manque de sens de l’existence, d’échec certaines fois. Donner de la densité au présent, c’est donc aussi sentir que des milliers d’années nous portent et nous poussent. Visualisons un flux puissant qui vient du passé, dans notre dos et qui entre en contact avec nous au niveau du cœur. Nous avons ajouté au vécu du présent une dimension historique personnelle, celle que notre société moderne tend à diluer.
- Cette perception que nous allons intensifier jour après jour, ce flux d’intelligence et de mémoire ancestrale, nous pouvons, bien sûr, apprendre à les reconnaître chez les autres, aussi bien que chez les plantes ou les animaux, d’ailleurs. Ce sont de nouvelles dimensions que nous déployons au Présent. Percevoir que chaque personne est une existence et un passé ancestral donne de la richesse à la Grâce à cela, la communication peut devenir plus complète. Une forme d’empathie et de résonance avec les êtres apparaît. Vivre sans cela serait se priver de l’essentiel.
- Le Présent est donc la superposition, le carrefour, à chaque moment, d’un grand nombre d’existences , de flux d’évolution. Chaque situation est l’occasion d’entrer en résonance avec d’autres êtres. Si nous sommes centrés, si nous développons un potentiel d’intervention adéquate et une intuition intelligente des situations, il nous devient facile de mener une vie féconde et Il ne s’agit plus de faire et de défaire, mais plutôt d’accompagner les situations-carrefours que l’on rencontre à chaque moment dans notre existence : accompagner les relations avec intuition…
Quatrième groupe : l’autonomie du Présent.
- Accompagner signifie, à la fois, être partie prenante et intervenant extérieur. C’est certainement un équilibre délicat. Mais plus on se sent centré et content, plus on se rend compte que l’attitude d’accompagnement est l’attitude la plus juste.
On ne demande plus indirectement aux autres de résoudre nos problèmes, on évite de peser sur eux et on se rend de plus en plus disponible. Du coup, on découvre qu’une situation au présent, un moment de vécu est quelque chose de « complet en soi ». C’est un grand mystère.
On ne crée pas le Présent, il vient à notre rencontre. Pour pouvoir le contempler dans toute sa créativité, nous pouvons pratiquer la vision panoramique. Il s’agit de regarder la situation présente avec un champ visuel le plus large possible, du coin des yeux (plus ou moins une vision à 120 degrés). Cela est facile avec un paysage dans la campagne, mais, bien que moins évident, cela est également possible et très enrichissant dans une ville, une grande rue (avec prudence) ou au cours d’une réunion avec des amis.
Cette vision permet de ne pas nous centrer continuellement sur des personnes ou des objets, mais d’embrasser la totalité du moment d’un seul coup d’œil. Cette pratique a l’avantage de favoriser une relaxation immédiate du cerveau et une approche nettement plus sensible de la situation.
- En pratiquant cela dans la nature ou dans un espace suffisamment ouvert, un nouveau pas peut encore être franchi. Appelons ce nouveau regard: observer l’espace entre les objets. C’est tout simplement donner de l’importance à l’espace vide qui « circule » entre les objets, les personnes ou les édifices : percevoir son unité, sa capacité de connexion. C’est l’espace des possibles et c’est également le milieu ambiant. Il s’agit de voir cet « océan atmosphérique » dans lequel nous baignons tous.
Notre société de consommation et de stress nous amène à ne donner de l’importance qu’aux objets, aux choses et non pas à la globalité. En apprenant à pratiquer ces nouveaux regards, la vision panoramique et l’observation de l’espace entre les objets, nous pouvons donc créer une nouvelle relation avec la Réalité et le Présent. C’est une façon de nous réveiller complètement.
- A ces amplifications du regard de nature quasi horizontale, nous allons ajouter une amplification verticale . C’est un exercice difficile mais fondamental. Imaginons que nous sommes devant un arbre haut, avec un tronc bien droit. Son port vertical nous transmet une impression que nous pouvons intégrer en nous. C’est l’expérience de la verticalité. Elle agit à la fois de façon subjective, en redressant notre colonne vertébrale de manière quasi automatique. Et elle stimule également la perception cognitive de ce que nous observons, en nous permettant d’intégrer le fait que chaque chose sur la planète est située entre la terre et le ciel. Chaque être vivant capte la lumière du soleil et l’associe à ses propres nutriments de façon directe ou indirecte.
Quoique, dans un premier temps, cette expérience soit du domaine de l’imaginaire, si nous la répétons souvent, nous allons constater qu’elle va se transformer en une attitude intérieure de notre esprit. Dans chaque situation, nous pourrons introduire dans l’extérieur que nous percevons, des verticalités invisibles mais bien présentes mentalement. Et petit à petit, elles vont se densifier, se stabiliser et réorganiser notre conscience.
- En conclusion, grâce à ces nouvelles façons de regarder, nous apprenons à intensifier notre relation au présent. Notre conscience peut s’y installer et s’y maintenir. Après quelques semaines d’efforts, une impression émergera, surprenante, soudaine.
Le Présent sera là devant nous, autonome , sans Le sujet-qui-observe aura cédé sa place pour un instant à ce qui est observé. « J’observe le monde » sera devenu « il y a Vision-du-monde ». Moment fabuleux, moment de liberté maximale parce que le monde se sera ‘libéré de nous’.